Le 25/11/2020ActualitésUn Small Business Act calédonien

Un Small Business Act calédonien

Un plan de structuration pour les Très petites entreprises
Le Small Business Act articule 24 mesures en cinq axes

 

Un Small Business Act calédonien

ou plan de structuration pour les Très petites entreprises

Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de la relance économique, a présenté, conjointement avec les représentants des chambres consulaires (CCI-NC et CMA) et des organisations patronales (CPME, U2P, MEDEF) le Small Business Act calédonien 1 ou plan de structuration pour les Très petites entreprises (TPE) du gouvernement. L’événement s’est déroulé à la ZAC Panda de Dumbéa, au sein du pôle artisanal de la Chambre de métiers et de l’artisanat.

1 À l’instar du Small Business Act, loi du Congrès des Etats-Unis de 1953, visant à favoriser les PME dans le tissu économique et ayant inspiré une série de Small business Act de la commission européenne depuis 2008.

L’objectif de ce plan est de proposer des mesures structurantes et concrètes pour les TPE, qui facilitent la gestion quotidienne des chefs de ces entreprises. Ces propositions ont été recueillies auprès des chambres consulaires et représentations patronales, et exprimées par les entreprises lors des grands débats 2019.

Après Cesam, la nouvelle plateforme numérique dédiée aux entreprises calédoniennes, le Small business act, est la deuxième mesure phare du Plan de relance pour l’économie calédonienne présenté début novembre au gouvernement.

Le poids important des TPE dans l’économie calédonienne

- L’Isee recense plus de 35 000 entreprises dans le secteur privé marchand (hors SCI, associations, etc.). Parmi elles, plus de 85 % ne comptent pas de salariés et sont dirigées par des travailleurs indépendants ayant créé leur propre emploi.

- Près d’1/3 utilisent le statut de SARL, l’autre grande majorité (70 %) utilise le statut d’entreprise individuelle ou personne physique qui offre une flexibilité de fonctionnement (démarches de création et radiation plus souples qu’une personne morale, obligations comptables légères).

- Plus de 80 % des entreprises employeuses comptent moins de 10 salariés, dont 62 % moins de 4 salariés, et 19 % entre 5 et 9 salariés.

- plus de 4 400 entreprises nouvelles sont créées chaque année en Nouvelle-Calédonie, témoin de la dynamique entrepreneuriale, dont une sur deux sera toujours active au bout de 5 ans.

- présentes dans les trois provinces, ces entreprises constituent l’économie de proximité, offrant des services du quotidien et créant de l’emploi dans les communes.

 

Constats : des petites entreprises créatrices de valeur, pas assez soutenues

Ces entreprises aux tailles critiques sont vulnérables :

- une taille d’entreprise critique, dépendante d’un seul client à la fois,

- des risques financiers pris par des personnes physiques,

- des investissements sur fonds propres : une part d’autofinancement très importante,

- des trésoreries fragiles et des risques d’insolvabilité élevés,

- des chiffres d’affaires et revenus principalement du travail relativement faibles,

- des investissements limités par les capacités d’emprunts,

- des contraintes administratives chronophages,

- un entrepreneuriat insuffisamment préparé à la gestion d’une entreprise,

- des entreprises peu assurées, sur un marché de plus en plus exigeant,

- une protection sociale qui pèse sur le seul revenu du chef,

- une absence globale de prévoyance.

 

Un environnement administratif et réglementaire à faire évoluer

- des contraintes administratives cumulées, inadaptées pour des TPE dont les chefs doivent tout gérer,

- des préjugés négatifs sur le statut de chef d’entreprise et un manque de connaissance et de reconnaissance par la société civile et les administrations de leurs contraintes,

- une iniquité de situation entre les salariés du secteur privé, public et ces travailleurs auto-employeurs, dont une partie pourrait être qualifiée de « travailleurs pauvres »,

- l’accès non qualifié aux professions, qui favorise l’entrée sur le marché d’une concurrence non pérenne qui impacte la qualité des prestations, l’image globale des professionnels et favorise l’émiettement du marché,

- des cadres juridiques et commerciaux inadaptés pour favoriser les regroupements et synergies.

 

C’est pourquoi, pour développer et structurer de façon globale les TPE calédoniennes, le gouvernement propose d’établir un « Small Business Act », plan global visant à changer le regard sur la TPE, à reconnaître leur poids et leur rôle dans l’économie calédonienne, et à orienter un ensemble de mesures pour favoriser leur croissance.

Le Small Business Act articule 24 mesures en cinq axes :

I. Renforcer la protection sociale et patrimoniale des entrepreneurs

II. Soutenir le développement des TPE et leur activité

III. Simplifier les démarches administratives des TPE

IV. Professionnaliser les activités et sécuriser les conditions d’exercice

V. Prévenir les difficultés

 

 

I. Renforcer la protection sociale et patrimoniale des entrepreneurs

 

Objectifs :

• protéger le chef d’entreprise et son conjoint durant son activité et en fin d’activité (son patrimoine personnel, sa prise en charge sociale, sa prévoyance),

• réduire les inégalités de prise en charge et protection sociale.

 

1

Créer le statut d'EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée) afin d’affecter un patrimoine professionnel à l’entreprise et protéger le patrimoine personnel de l'entrepreneur.

Une majorité de TPE a le statut « d’entreprises individuelles » (le chef est responsable des dettes de son entreprise sur son patrimoine personnel), ce qui augmente la vulnérabilité de leur situation.

2

Créer un statut de conjoint collaborateur protégeant socialement le conjoint qui participe à l’activité de l’entreprise.

Les conjoints qui participent à l’activité de l’entreprise n’ont généralement pas de statut et ne sont pas protégés en cas de divorce, de décès du chef d’entreprise ou en cas de maladie-maternité.

3

Créer le principe d'un « patrimoine retraite » pour les chefs d'entreprises, avec des modalités de constitution souples, et imposer la souscription au régime général en cas d’absence de dispositions volontaires.

Développer l'offre de contrats « retraite volontaire » adaptés aux chefs d’entreprise en lien avec les évolutions de la loi Pacte et adapter les dispositions de déduction fiscale des cotisations retraites volontaires.

Les chefs de TPE ont des retraites aléatoires, souvent faibles et inégalement organisées :

> pas de cotisation retraite obligatoire pour les travailleurs non-salariés ;

> des cotisations trop faibles ou sur des périodes trop courtes pour prétendre à une retraite suffisante,

> des chefs d'entreprises ayant déjà organisé leurs placements de prévoyance et une volonté affichée de liberté de choix dans les solutions de retraite ;

> des évolutions par la loi Pacte des contrats retraite en Nouvelle-Calédonie, créant des écarts avec les contrats éligibles fiscalement en NC.

4

Créer les conditions d’activité sous forme de coopératives artisanales et commerciales pour favoriser les synergies et la mutualisation de moyens entre entreprises.

Des besoins de regroupement entre TPE existent pour obtenir des marchés, les assurer, faire des achats groupés ou partager des locaux.

5

Instaurer un droit à l'assurance professionnelle en Nouvelle-Calédonie pour toutes les entreprises (minimum d’assurance Responsabilité Civile Professionnelle à un tarif accessible ou plafonné par rapport au chiffre d'affaires).

Les TPE rencontrent des difficultés pour trouver une assurance (primes trop élevées pour des risques faibles, droit et contrats trop complexes), ce qui augmente les risques pris par le chef d’entreprise.

6

Mettre en place le crédit-bail immobilier afin de permettre à des entreprises locataires d’acquérir leur local professionnel.

Certaines entreprises ont des difficultés d'accès au prêt immobilier ou se trouvent face à des charges de loyer trop lourdes.

 

II. Soutenir le développement des TPE et leur activité

Objectifs :

• reconnaître la qualité et la diversité des prestations locales,

• soutenir le développement de l’économie de proximité,

• reconnaître et encourager l’emploi dans les TPE,

• développer des services aux entreprises adaptés à leur taille et contraintes économiques.

 

 

 

7

Mener une politique publique orientant la commande publique vers les TPE.

Malgré les dispositions de la délibération 424 sur les marchés publics qui indique que 30 % du marché peut-être réservé aux entreprises de moins de 15 salariés, la commande publique est insuffisante auprès des TPE.

8

Développer le socle et les conditions de développement d’une économie sociale et solidaire pour diversifier et développer l’économie de proximité.

L’objectif est favoriser un modèle de création de richesses, matérielles, sociales, culturelles, qui privilégie des formes d’organisation collective et participative pour développer des activités et de l’emploi et accéder à des dispositifs de soutien des pouvoirs publics.

9

Développer un dispositif de soutien et d’incitation au développement de l'effectif salarié dans les entreprises de moins de 5 salariés.

Favoriser l’alternance et l’embauche des jeunes de moins de 25 ans au sein des TPE / PME.

Les entreprises calédoniennes comptent pour 90 % d’entre elles moins de 10 salariés (en moyennes 6 salariés par entreprise, dont 3,9 salariés par entreprise artisanale). La création d'un nouvel emploi constitue un effort et un risque conséquents pour ces TPE.

10

Systématiser la mise en oeuvre des fonds de garanties dans le financement des projets intervenant sur des marchés peu développés ou des initiatives innovantes.

Les entrepreneurs ont souvent recours à l’autofinancement, face aux difficultés à obtenir des financements bancaires sur des marchés ou pour des activités mal connues localement. Le parcours d'innovation reste coûteux et restreint aux entrepreneurs déjà capitalisés.

11

Adapter les frais de services bancaires à la taille et volumes de transaction des TPE.

Les frais bancaires ou liés à la mise en place de moyens de paiement pour les consommateurs sont identiques quelle que soit la taille de l’entreprise.

12

Étendre la durée des prêts aux entreprises de 7 à 10 ans.

Les coûts d'achats de matériels sont lourds, voire impossibles à étaler sur sept ans pour certaines TPE.

 

III. Simplifier les démarches administratives des TPE

Objectifs :

• faciliter la gestion administrative des entreprises,

• l'administration au service de l'entreprise,

• changer le regard sur l'entreprise et son chef : une prise de risques, des échecs possibles, des réussites à valoriser, des revenus modestes.

 

13

Adapter les conditions de règlement des cotisations du RUAMM au regard de la trésorerie des travailleurs indépendants :

- ajuster les assiettes de cotisations selon les prévisions d’activité de l’année en cours,

- établir et moduler un échéancier de règlement annuel en phase avec les cycles d'encaissements,

- proposer la mensualisation des cotisations.

 

Les échéances de règlement fiscales et sociales sont fixes et peu adaptées à la saisonnalité et l’irrégularité des activités et encaissements des TPE. Ceci génère des difficultés de trésorerie et des indemnités de retard.

14

Développer l'usage du dispositif simplifié d'emploi (DES) pour faciliter les démarches liées à l’embauche.

Ce dispositif inspiré du chèque-emploi service est méconnu et peu utilisé. Il offre aux employeurs une solution souple et réactive pour leurs recrutements de courte durée. Il est peu utilisé, car méconnu et coûteux.

15

Faciliter l’accès à la réglementation et à l’information des chefs d’entreprises par le développement des plateformes en ligne (www.juridoc.nc) et de foires aux questions sur les sites des administrations

Les différentes réglementations sont dispersées et organisées par directions administratives d’où la difficulté pour les entreprises d’avoir une vision globale et exhaustive de leurs obligations réglementaires.

16

Créer une solution unique du type coffre-fort numérique ou « Dites-le nous une fois » pour éviter à l’entreprise de multiplier les démarches, et permettre aux administrations de consulter les informations légales.

Les formalités de déclarations sont nombreuses et sur des périodes différentes. Des informations similaires sont sollicitées par les différentes administrations, entraînant des pertes de temps et des coûts de gestion pour l'entreprise.

17

Intégrer dans les formations des agents de la fonction publique en lien avec les entreprises un module de sensibilisation aux contraintes de l'entrepreneuriat et aux réalités quotidiennes des chefs d’entreprises.

Les réalités de l'entreprenariat sont parfois méconnues des agents de la fonction publique qui ont une vision partielle, voir négative, du métier et statut du chef d'une TPE calédonienne.

 

IV. Professionnaliser les activités et sécuriser les conditions d’exercice

Objectifs :

• professionnaliser les chefs d'entreprise,

• maintenir un niveau de compétences techniques et de qualité des produits et services,

• protéger le consommateur,

• sécuriser le démarrage d’activités et pérenniser les entreprises.

 

18

Réglementer et professionnaliser les conditions d'exercice des métiers présentant un risque pour la santé et la sécurité des consommateurs, notamment ceux de la mécanique et maintenance automobile.

Les professionnels non qualifiés qui sont présents sur le marché impactent l'image de ces professions et présentent un risque pour la santé et la sécurité des consommateurs.

19

Professionnaliser les primo-créateurs de TPE par le suivi d’un stage préparatoire à l’entrepreneuriat pour les sensibiliser à leur future fonction et les préparer à leurs obligations.

Les chefs d'entreprise sont souvent seuls, concentrés sur leur activité au détriment de la gestion de leur entreprise, dont les obligations multiples ont été masquées par les formalités d’inscription, par défaut d'information ou de formation.

20

Développer et adapter les offres de produits, services comptables et conseils en gestion à destination des TPE.

Créer une déduction fiscale de la charge liée à la tenue de la comptabilité pour les entreprises soumises au forfait fiscal.

Plus de 8 000 entreprises sont soumises au forfait fiscal (IRPP-BIC), sans obligation de tenue de comptabilité et manquent d'outils de gestion et de pilotage.

Les coûts de tenue comptable annuelle représentent en moyenne un mois de revenu pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,5 millions de francs.

 

V. Prévenir les difficultés

Objectifs :

• changer le regard sur le chef d’entreprise : valoriser l’esprit d’entreprise et sa prise de risque personnelle,

• reconnaître et limiter la fragilité des petites structures,

• faciliter le rebond des entreprises en difficultés : les aléas économiques sont inhérents à la vie des entreprises, et pas nécessairement liés à des défauts de gestion.

 

 

 

21

Mettre en oeuvre le système de « Dailly inversée » pour réduire les délais de paiement des collectivités envers les TPE.

La loi Dailly est un mode de financement à court terme qui permet de faire financer par une banque les créances dues par une collectivité, et d’éviter à l’entreprise de supporter un délai de paiement important.

La Dailly Inversée permet de reporter le coût du financement bancaire sur la collectivité plutôt que sur l’entreprise.

Certaines collectivités enregistrent des délais de paiement relativement longs pour des petites structures, alors même que la taille réduite de certaines TPE ne leur permet pas de travailler sur plusieurs chantiers ou missions simultanément.

Ceci peut conduire rapidement à la cessation de paiement pour ces entreprises dont la trésorerie est limitée.

22

Créer et animer un réseau de prévention et d'accompagnement des entreprises en difficulté pour une prise en charge préventive et encourager le rebond.

Les TPE peuvent rencontrer des difficultés liées à la taille critique de leur entreprise et leur faible trésorerie.

Le regard porté sur les entreprises en difficulté est peu préventif et culpabilisant, ce qui favorise le repli et l’isolement, et non le rebond ou la recherche de solutions.

23

Simplifier les démarches des procédures collectives pour faciliter le rebond des entreprises en difficulté.

Des procédures et solutions peu comprises et difficilement accessibles aux chefs d’entreprises en difficulté.

24

Réduire le coût pour les TPE des honoraires du mandataire dans le cadre des procédures collectives (redressement judiciaire, liquidation...).

Le coût du redressement forfaitaire est important pour des petites structures en difficulté, parfois incompatibles avec un redressement.